Voisins vigilants, syndrome d’un échec républicain

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J’ai connu un temps où les voisins se parlaient entre eux, face à face, physiquement, et où les uns disaient quand ils partaient en vacances tandis que les autres vérifiaient que la maison n’était pas dégradée en leur absence. Le service allait même parfois jusqu’à prendre le courrier, ou arroser les plantes et le jardin !

Alors aujourd’hui, pourquoi avons-nous besoin d’une structure pour organiser nos relations sociales avec nos voisins ?

Ce qui ne me plaît déjà pas avec Voisins vigilants est qu’il n’y a toujours aucune étude sérieuse et indépendante qui dit que cela engendre une baisse du nombre de cambriolages. Moyen en quoi, on créé une inégalité territoriale, entre les quartiers qui peuvent s’organiser, et ceux qui ne peuvent pas. Bref, on repousse juste le problème.

Et puis surtout ces dispositifs de participation citoyenne, encouragés par la Police même, justifient qu’on réduise les crédits et les effectifs de nos Polices !!! Ils ne veulent plus s’occuper de surveillance, ou ils veulent des relais sur des mouvements inquiétants ou inhabituels. Ben, c’est qu’ils ne servent plus puisqu’on peut faire faire ce travail gratuitement par des citoyens.


Mais au delà de ces quelques considérations, il y a une vraie remise en cause du contrat social (1), de la confiance dans les services publics (2), et finalement de l’état de droit (3).

Mais pour bien comprendre mon raisonnement, il faut raisonner autrement qu’avec le prêt-à-penser ambiant. Pourquoi y a-t-il des cambriolages ? Pourquoi une personne décide-t-elle d’aller cambrioler une autre ? Pour lui nuire ? Pour s’enrichir ? Pour lui dérober un bien qu’elle convoite ? Par maladie ?

En admettant que la volonté d’enrichissement soit la seule vraie raison des cambriolages, pourquoi moi qui gagne moins que le SMIC ne vais-je pas cambrioler à mon tour ? Salauds de civisme, d’éducation parentale et religieuse, et de peur de la Justice, qui m’en empêchent !


(1) Le contrat social, porté par HOBBES, LOCKE et ROUSSEAU, fixe des conditions de vie en société :

  • on ne se cambriole pas ; parce que c’est nuisible à la société, il y a donc des lois pour punir le cambriolage.
  • la sécurité de nos biens et des personnes est déléguée à des personnes missionnées par l’État à qui l’on a confié cette mission plutôt que de nous protéger seuls comme dans l’état de nature ; mission pour laquelle on paye des impôts.

Ce faisant, avec Voisins vigilants, tout le monde remet en cause le contrat social, puisque les citoyens se réapproprient officiellement, avec le soutien des Villes et de la Police, partie de leur mission de sécurité publique…


(2) Les services publics facilitent notre vie en société.

  • Voisins vigilants marque un échec de la société dans son ensemble qui ne parvient plus à faire vivre les gens ensemble donc ne décèle plus les comportements asociaux. C’est notamment un échec de l’école et des structures éducatives.
  • Voisins vigilants est ensuite un échec de notre système de santé relativement à ceux qui cambriolent parce que ce sont des gens à problèmes
  • Voisins vigilants marque enfin un échec de la Police à qui on ne fait plus confiance pour « surveiller »

(3) L’état de droit est enfin remis en cause parce que la sécurité est de moins la compétence de structures officielles, et de plus en plus déléguées à des sociétés privées, des organismes indépendants, ou bien même les citoyens.

Peu importe que ce n’en soit qu’une part, nous sommes sur une pente glissante, fortement graissée ou savonnée par les ultra-libéraux qui veulent casser le service public de sécurité. Et à partir du moment où la sécurité finira d’être redéléguée aux citoyens individuels, et finalement partagée entre policiers et citoyens, alors ce ne sera plus l’État de droit.


Voisins vigilants, ce ne sont pas seulement des citoyens qui appellent la Police s’ils constatent une chose anormale. C’est le début d’une société inégalitaire entre ceux qui auront les moyens d’être protégés et ceux qui ne pourront pas. C’est la mise en place d’une ségrégation socio-spatiale de nouvelle génération, qui ne va qu’augmenter en fonction de la diminution des moyens et des effectifs policiers, justement justifiée par la mise en place de ces systèmes qui se veulent pour l’instant complémentaires.



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